Le 24 avril 2023, des milliers de Camerounais ont répondu à l’appel au boycott des services de l’opérateur de téléphonie mobile Orange, lancé par le consultant médias David Eboutou. Ce mouvement de protestation vise à dénoncer les abus et les pratiques jugées illégales ou abusives de la filiale du groupe français au Cameroun. Quelles sont les raisons de ce boycott ? Quels sont les effets attendus sur l’économie du pays et sur le secteur des télécommunications ?
Les raisons du boycott
Les consommateurs camerounais reprochent à Orange de proposer des services de mauvaise qualité, avec des coupures fréquentes de réseau, des temps d’attente interminables pour le service client, des débits internet faibles et des tarifs jugés excessifs1. Ils accusent également l’opérateur de ne pas respecter les règles en matière de protection des données personnelles, en collectant et en utilisant sans leur consentement des données sensibles, comme les données biométriques ou les données bancaires. Enfin, ils dénoncent le non-respect des lois fiscales en vigueur dans le pays, en affirmant qu’Orange pratique une optimisation fiscale agressive, en transférant une partie de ses bénéfices à l’étranger, ce qui réduit considérablement sa contribution fiscale dans le pays.
Les effets attendus
Le boycott d’Orange peut avoir des conséquences importantes sur l’économie du pays, car l’opérateur est le leader du marché de la téléphonie mobile au Cameroun, avec plus de 10 millions d’abonnés et un chiffre d’affaires de plus de 300 milliards de francs CFA en 2022. Le secteur des télécommunications représente près de 10 % du PIB du pays et contribue à la création d’emplois et au développement numérique1. Si le boycott se poursuit ou s’amplifie, Orange pourrait perdre une partie de sa clientèle et de ses revenus, ce qui pourrait affecter sa rentabilité et sa capacité d’investissement. Cela pourrait également avoir un impact négatif sur les recettes fiscales de l’Etat et sur les emplois indirects générés par l’activité d’Orange.

Cependant, le boycott pourrait aussi avoir des effets positifs, en incitant Orange à améliorer la qualité de ses services et à réduire ses tarifs, pour reconquérir la confiance et la satisfaction de ses clients. Le boycott pourrait également favoriser la concurrence sur le marché des télécommunications, en donnant plus de visibilité et d’opportunités aux autres opérateurs présents au Cameroun, comme MTN ou Camtel. MTN est le deuxième opérateur du pays, avec plus de 9 millions d’abonnés et un chiffre d’affaires de plus de 250 milliards de francs CFA en 2022. Camtel est l’opérateur public, qui détient le monopole sur le marché du fixe et qui a lancé son offre mobile en 2018. Il compte environ 2 millions d’abonnés et ambitionne de conquérir 20 % du marché d’ici 2025.
L’apologie de Camtel sur les réseaux sociaux
Face au boycott d’Orange et de MTN, certains internautes camerounais ont profité de l’occasion pour faire l’apologie de Camtel, l’opérateur public qui propose des services de téléphonie fixe et mobile. Sur les réseaux sociaux, des messages vantant les mérites de Camtel ont circulé, mettant en avant ses tarifs compétitifs, sa couverture nationale, sa qualité de réseau et son caractère patriotique. Certains internautes ont même lancé le hashtag #JeSuisCamtel pour exprimer leur soutien à l’opérateur national et leur volonté de privilégier les produits locaux. D’autres ont partagé des témoignages positifs sur leur expérience avec Camtel ou des conseils pour souscrire à ses offres.
L’apologie de Camtel sur les réseaux sociaux peut s’expliquer par plusieurs facteurs. D’une part, il s’agit d’une réaction à la déception et à la frustration des consommateurs face aux abus et aux pratiques jugées illégales ou abusives d’Orange et de MTN. D’autre part, il s’agit d’une expression d’un sentiment nationaliste et d’une volonté de valoriser les entreprises locales face aux multinationales étrangères. Enfin, il s’agit d’une opportunité pour Camtel de se faire connaître et de gagner des parts de marché, en profitant du mécontentement des clients des autres opérateurs.
Le point de vue des autorités face au mouvement
Le mouvement de boycott d’Orange au Cameroun n’a pas laissé indifférentes les autorités du pays, qui ont réagi de différentes manières face à cette initiative citoyenne. D’un côté, le ministère des Postes et Télécommunications a affirmé qu’il suivait de près la situation et qu’il était en contact avec les opérateurs concernés pour trouver des solutions aux problèmes soulevés par les consommateurs. Le ministère a également rappelé que l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART) était chargée de veiller au respect des cahiers des charges et des normes de qualité par les opérateurs, et qu’elle disposait de pouvoirs de sanction en cas de manquement. Le ministère a enfin invité les consommateurs à faire preuve de responsabilité et à éviter toute forme de violence ou de vandalisme.
D’un autre côté, certaines autorités ont exprimé leur mécontentement ou leur inquiétude face au boycott d’Orange, qu’elles ont perçu comme une menace pour l’économie du pays ou pour la sécurité nationale. Ainsi, le ministre de l’Administration territoriale a déclaré que le boycott était une « opération subversive » visant à déstabiliser le pays et à nuire aux intérêts du Cameroun. Il a accusé les initiateurs du boycott d’être manipulés par des forces étrangères hostiles au régime en place, et a menacé de les poursuivre en justice. De même, le ministre de la Communication a qualifié le boycott d’« acte antipatriotique » et d’« atteinte à la souveraineté nationale ». Il a affirmé que le boycott était une tentative de sabotage du secteur des télécommunications, qui est un secteur stratégique pour le développement du pays. Il a également appelé les consommateurs à faire preuve de discernement et à ne pas se laisser influencer par les réseaux sociaux.
Le point de vue d’Orange face au mouvement
Face au mouvement de boycott lancé par les consommateurs camerounais, l’opérateur Orange a tenté de réagir pour limiter les dégâts et restaurer son image. D’une part, Orange a affirmé qu’il respectait ses engagements en matière de qualité de service, de tarification, de protection des données personnelles et de contribution fiscale. L’opérateur a également rappelé qu’il investissait massivement dans le développement des infrastructures et des innovations numériques au Cameroun, et qu’il soutenait de nombreuses initiatives sociales, culturelles et environnementales dans le pays. D’autre part, Orange a annoncé qu’il allait lancer une campagne de communication pour expliquer ses offres et ses services aux consommateurs, et qu’il allait renforcer le dialogue avec ses clients et les associations de consommateurs. L’opérateur a également promis de prendre en compte les suggestions et les réclamations des consommateurs, et de leur offrir des avantages et des cadeaux pour les fidéliser.

Le point de vue d’Orange face au mouvement de boycott témoigne d’une volonté de reconquérir la confiance et la satisfaction des consommateurs camerounais, qui se sont sentis lésés et méprisés par l’opérateur. Orange a essayé de se défendre en mettant en avant ses atouts et ses contributions au développement du pays, mais il a aussi reconnu la nécessité d’améliorer sa communication et son écoute des clients. Orange a également cherché à atténuer l’impact du boycott sur son chiffre d’affaires et sur sa part de marché, en proposant des incitations et des récompenses aux consommateurs. Il reste à voir si ces mesures seront suffisantes pour apaiser le mécontentement des consommateurs et pour faire face à la concurrence des autres opérateurs.
Conclusion
La journée de boycott d’Orange au Cameroun a été un événement marquant dans l’histoire des télécommunications au pays. Elle a révélé le ras-le-bol des consommateurs face aux abus et aux pratiques jugées illégales ou abusives de l’opérateur français. Elle a également eu des conséquences économiques, sociales et politiques sur le pays et sur le secteur des télécommunications. Elle a enfin suscité des réactions diverses de la part des autorités, des autres opérateurs et d’Orange lui-même. Ce mouvement de protestation citoyenne illustre la puissance et les limites des réseaux sociaux comme outils de mobilisation et de contestation à l’ère numérique.
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