En janvier, l’annonce de ce changement avait scandalisé les utilisateurs, au point de provoquer le départ de certains pour l’application de messagerie concurrente, Signal. Après un précédent report, les nouvelles conditions d’utilisation de WhatsApp entrent définitivement en vigueur samedi 15 mai. Elles rappellent notamment que la messagerie partage des informations avec sa maison mère, le réseau social Facebook, et ouvrent la voie à de nouvelles fonctionnalités.
WhatsApp partage déjà des données avec Facebook
Les annonces de WhatsApp sur le partage d’informations concernant ses utilisateurs avec sa maison mère, Facebook, ont fait réagir de nombreux internautes. En réalité, le réseau social, qui a racheté la messagerie en 2014, recevait des données de WhatsApp depuis une mise à jour de 2016. Parmi ces données, on trouve notamment le numéro de téléphone, les adresses IP utilisées par un internaute et certaines informations de connexion.
En 2016, les utilisateurs avaient la possibilité de refuser ce transfert de données (numéro de téléphone, dernière date de connexion) en cochant une case dans l’application. Cette option n’existe plus depuis plusieurs années. Si vous avez créé votre compte après cette date ou que vous n’avez pas coché cette option à l’époque, vous partagez déjà des informations avec le réseau social en utilisant WhatsApp.
Qu’est-ce qui change alors ?
Mercredi (12 mai, ndlr), le réseau social a répété au Monde que cette nouvelle politique de confidentialité n’étendait pas le champ des données personnelles transmises par WhatsApp à Facebook. La messagerie assure que cette mise à jour de ses règles d’utilisation vise avant tout à mettre en place de nouvelles fonctionnalités commerciales sur l’application.
Ainsi, ces changements ont pour objectif de permettre à terme aux utilisateurs de communiquer avec des entreprises et à celles-ci d’utiliser des outils d’hébergement de Facebook pour faire transiter et stocker les conversations de leur service clients. Ainsi, si vous interagissez sur WhatsApp avec une entreprise privée, cette dernière pourra traiter en interne les messages que vous envoyez à des fins de marketing ou d’amélioration de leur service. Lire aussi WhatsApp revoit ses conditions d’utilisation sur le partage des données utilisateurs avec Facebook
Que se passe-t-il si je refuse ?
Si, au 15 mai, vous n’avez pas accepté cette nouvelle politique de confidentialité – la messagerie fait régulièrement apparaître un pop-up vous le proposant – l’application deviendra progressivement inutilisable. Selon la messagerie, il ne sera plus possible d’accéder à sa liste de discussion pendant plusieurs semaines et l’on pourra uniquement répondre aux messages en cliquant sur la notification qui s’affiche à leur réception. Après ces quelques semaines, il ne sera même plus possible de recevoir de notifications, d’appels entrants ou de messages, ni d’en envoyer.

Tout au long de ce processus, il sera toujours possible de changer d’avis et de, finalement, accepter les nouvelles conditions d’utilisation. Votre compte ne sera pas supprimé, comme WhatsApp l’avait initialement annoncé, mais il sera inutilisable. Facebook a confirmé que ce calendrier concernera également les utilisateurs européens protégés par le règlement général de protection des données (RGPD).
Des autorités européennes inquiètes
Il reste que la présentation de ces nouvelles règles d’utilisation par WhatsApp est floue, estiment plusieurs autorités européennes. L’autorité de protection des données de Hambourg, en Allemagne, a estimé dans une décision du 11 mai que « les informations sur les transferts de données sont éparpillées à différents passages de la déclaration de confidentialité, manquent de clarté, et qu’il est difficile de distinguer le texte concernant les citoyens européens de celui pour le reste du monde ». Elle demande donc à Facebook de ne pas appliquer cette mise à jour en Allemagne.
Le gendarme italien de la protection des données l’a à peine formulé autrement, en janvier, dans un communiqué réagissant aux dernières annonces de WhatsApp : « [Nous] pensons que les nouvelles règles ne permettent pas aux utilisateurs de comprendre les changements introduits, ni d’apprécier clairement quelles données seront traitées » après l’entrée en vigueur de la nouvelle politique de confidentialité.
Facebook a opposé une fin de non-recevoir à l’autorité allemande, estimant dans un communiqué transmis au Monde que sa décision du 11 mai « s’appuie sur une compréhension fausse du but et des effets de la mise à jour de WhatsApp », ajoutant que l’entreprise envisageait de faire appel de cette décision, tout en prévoyant de publier comme prévu la mise à jour le 15 mai en Allemagne.
Facebook peut-il lire mes messages WhatsApp ?
En raison du passif de Facebook vis-à-vis de l’utilisation et de la protection des données personnelles et des fuites de données dans l’histoire du réseau social, de nombreux utilisateurs s’inquiètent de ces nouvelles règles de confidentialité. Cependant, il est important de noter que certaines informations restent protégées par le fonctionnement technique de WhatsApp.
Si les messages privés échangés sur Facebook Messenger et Instagram ne sont pas protégés, les conversations WhatsApp sont chiffrées de bout en bout. C’est-à-dire que chaque message envoyé à un ami sur WhatsApp est transformé en une suite de caractères illisibles le temps de son transfert d’un utilisateur à un autre. Seul le destinataire possède la clé qui permet de déchiffrer le message et de le lire. WhatsApp assure ne pas posséder ces clés, et donc ne pas être en mesure de lire les messages qui sont envoyés entre utilisateurs. De fait, Facebook ne pourra pas lire vos messages WhatsApp, puisque la messagerie elle-même ne possède pas de telles informations.
Les informations et messages envoyés à des entreprises dans le cadre de conversations avec des services commerciaux pourront, cependant, être exploités en interne par les entreprises, qui les traiteront en fonction de leur propre politique de confidentialité. Ils pourront aussi être lus et utilisés par les outils tiers que les entreprises utilisent pour leur service clients, par exemple. Facebook estimait en octobre qu’une conversation avec un service commercial sur WhatsApp ne « peut pas être considérée comme chiffrée de bout en bout », puisqu’un logiciel tiers ou une autre entreprise peut consulter ces messages, « même si cette tierce partie est Facebook. »
Quelles sont les alternatives à WhatsApp ?
Au moment de la révélation des nouvelles conditions d’utilisation de WhatsApp, plusieurs personnalités, dont le lanceur d’alerte Edward Snowden, ont appelé à utiliser Signal. Cette application de messagerie sécurisée chiffre par défaut, comme WhatsApp, les conversations de bout en bout. Par ailleurs, l’outil ne collecte pas les métadonnées de vos conversations, c’est-à-dire que les serveurs utilisés par l’application ne gardent pas en mémoire les utilisateurs avec qui vous interagissez, ni les horaires de ces conversations. Signal n’enregistre pas non plus sur ses serveurs votre liste de contacts.
Peu d’applications grand public activent le chiffrement par défaut comme Signal et WhatsApp. Dans la très connue application Telegram, il s’agit d’une option qui doit être activée par l’utilisateur, qui peut utiliser la fonctionnalité « secret chat ». D’autres applications légèrement moins connues proposent cependant des outils de discussion chiffrés de bout en bout par défaut, dont Wire, qui intègre une solution de chiffrement dérivée du protocole de Signal, mais aussi la messagerie suisse Threema, et l’application française Olvid.
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