Lundi 22 juin, Apple a dévoilé les futures évolutions des menus des iPhone en présentant la nouvelle version du logiciel central iOS 14, attendue pour la fin d’année. Beaucoup de journalistes ont noté des ressemblances troublantes avec Android, le logiciel central concurrent conçu par Google, qui équipe la grande majorité des smartphones actuels.
Pour les observateurs attentifs, ces emprunts ne sont pas si étonnants : au fil de leurs rénovations annuelles, iOS et Android n’ont jamais cessé de se rapprocher, au point d’atténuer leurs différences, qui étaient au départ radicales. Il suffit de rembobiner le temps jusqu’à l’année 2007, qui marque la naissance de l’iPhone. Le logiciel central d’Apple apparaît à cette époque particulièrement original : visionnaire dans sa façon de faciliter le pilotage au doigt, inspirant dans son économie de boutons.
iOS initialement plus abouti
Android naît l’année suivante. Ses menus peuvent évoquer ceux de Windows, on devine que Google souhaite accorder plus de liberté, de personnalisation notamment, qu’Apple à ses utilisateurs. L’ergonomie d’Android est, en revanche, moins mûre. Les deux premières années, Google travaille à la consolider en s’inspirant beaucoup d’iOS. Ses concepteurs remplacent, par exemple, le clavier azerty à touches physiques du premier mobile Android par un clavier virtuel et tirent un trait sur sa souris pour embrasser le pilotage intégral au doigt. Au passage, Android reprend quelques principes tactiles imaginés par Apple : par exemple, il devient possible de zoomer en pinçant une image ou une page Web.
Dans les années 2010, Apple ajoute à iOS des éléments présents dans Android
Fin 2010, la formule d’Android est plus aboutie. La balance des emprunts et influences entre Apple et Google sera désormais moins déséquilibrée. Les dix années suivantes, Apple ajoutera à iOS des éléments présents dans Android, pas nécessairement révolutionnaires — beaucoup figurent dans les Mac et PC de l’époque —, pour offrir de meilleures possibilités de personnalisation aux propriétaires d’un iPhone.
La voie de la personnalisation
Les indispensables dossiers qui permettent de ranger les applications qu’on utilise rarement n’arrivent qu’en 2010. Les widgets, ces mini-applications occupant une fraction de l’écran, affichant la météo ou un bouton d’allumage d’ampoule connectée par exemple, font leur apparition sur iOS la même année. Ils sont d’abord un peu cachés et réservés aux applications d’Apple, puis s’ouvrent à tous les concepteurs d’applications dès 2014, bien après Android.
Les utilisateurs devront attendre longtemps avant de pouvoir sortir ces widgets de la page qu’Apple leur a assignée à gauche de l’écran d’accueil. Cela ne deviendra possible que fin 2020 avec iOS 14 : ils peuvent les glisser n’importe où sur l’écran, comme sur Android. Fin 2020, iOS proposera aussi un tout nouveau tiroir d’applications qui permettra à ceux qui le souhaitent de ranger chaque icône automatiquement. Une possibilité qui rappela un peu celle adoptée dès 2008 par Android.
Avec iOS 14, les détenteurs pourront choisir le navigateur Web qui s’ouvre lorsqu’on clique sur un lien
La deuxième préoccupation d’Apple sera d’offrir plus de liberté aux utilisateurs d’iOS, toujours en intégrant des fonctions disponibles sur Android depuis longtemps. En 2012, par exemple, on peut enfin connecter un appareil photo à un iPhone pour récupérer ses images. En 2019, il devient possible d’y raccorder une clé USB. En 2017, il est possible de naviguer dans la mémoire d’un iPhone avec un explorateur nommé Fichiers, même si une partie de la mémoire demeure cachée. Et avec iOS 14, fin 2020, les détenteurs pourront choisir le navigateur Web qui s’ouvre automatiquement lorsqu’on clique sur un lien et remplacer par exemple Safari par Chrome.
Tout ceci ne représente qu’une fraction des fonctions que Google pourrait avoir poussé Apple à intégrer. On pourrait y ajouter la mise à jour logicielle par Wi-Fi, possible dès 2009 sur Android, proposée bien des années plus tard sur iPhone. Mais il ne faut pas oublier que, pendant cette décennie, Android s’est inspiré des trouvailles d’Apple, cherchant souvent à simplifier un logiciel central jugé complexe les premières années.Lire aussi Apple tire un trait sur les processeurs Intel dans ses ordinateurs
La voie de la simplicité
La plupart de ces inspirations sont de l’ordre du détail, mais certaines sont plus voyantes que d’autres : Airplay, une fonction née en 2010, permet de transmettre des vidéos à une télé ou d’envoyer de la musique à une chaîne hi-fi sans fil. La technologie Chromecast équivalente n’arrivera sur Android que trois ans plus tard. Siri, l’assistant personnel d’Apple né en 2011, n’aura d’équivalent sur Android qu’en 2014. Le fort pratique volet de raccourcis rapides qui apparaît sur iOS en 2013, accessible d’un mouvement du doigt, inspirera sans doute la rénovation des raccourcis rapides d’Android en 2016.
Beaucoup de fabricants préfèrent rester fidèles aux traditionnels trois boutons d’Android
La navigation gestuelle introduite en 2017 par Apple, éliminant au passage le bouton physique situé sous l’écran, apparaîtra sous une forme proche l’année suivante sur Android. Tous les smartphones Android sont loin d’en profiter aujourd’hui : beaucoup de fabricants préfèrent rester fidèles aux traditionnels trois boutons d’Android, qui figurent encore au bas de l’écran de leur smartphone — retour, accueil, multitâche.
Les fabricants ont, en effet, la liberté de refuser certaines évolutions proposées par Google et certains vont plus loin que d’autres. Xiaomi, par exemple, prend ses distances avec l’esprit d’Android en supprimant son tiroir d’applications et en plaçant la totalité des icônes d’applications sur les pages d’accueil — exactement comme un iPhone. L’objectif est probablement d’éliminer un niveau de complexité jugé superflu.

Encore bien des divergences
iOS et Android n’ont pas cessé de se rapprocher depuis dix ans, mais ces deux logiciels centraux sont loin d’avoir convergé : Android demeure plus ouvert et plus personnalisable que son concurrent. Par exemple, on peut bouleverser ses menus en installant un outil appelé « lanceur ».
Apple reste focalisé sur la simplicité d’usage d’iOS. Lorsqu’on achète un nouvel iPhone par exemple, il suffit de rapprocher ce mobile de l’ancien iPhone, puis de presser une touche : les applications s’y copient, avec les documents, les réglages et la disposition des icônes. Tout cela sans le moindre fil ni la moindre complexité.
La diversité des approches n’a donc pas été écrasée par les inspirations croisées. Un vrai choix demeure entre ces deux logiciels centraux.
Par Nicolas Six
Le Monde
Laisser un commentaire